Jules Machard

(Sampans,1839- Bellevue,1900)

Croquis d’Angélique ou de Séléné

1870

Plume et encre brune 

73 x 68 mm

Cadre Jugendstil en bois sculpté et laiton repoussé, incrustation de deux cabochons rosés, montage en portefolio, passe-partout en CC conservation lie de vin, filets dorés rapportés et filets d’encre.

« L’art représente un refuge, un idéal de paix, de tranquillité, un havre de sécurité, et doit, par conséquent, exclure toute référence à la réalité. Il se complaît dans l’exaltation des œuvres qui magnifient les scènes mythologiques et allégoriques, les tableaux de la vie religieuse, ou l’héroïsme des batailles. Les Vénus ne se comptent plus ; les Diane et Narcisse stimulent l’inspiration. » Monique Sergé, L’art comme Institution, 1993.

Guidés par une perception intime de la beauté ainsi que par une puissance onirique exacerbée, la production de nombreux artistes du XIXème siècle a souvent abouti à la création de stéréotypes humains, et notamment féminins très personnels. Ce fut, entre autres, le cas d’Ingres, de Chassériau, de Puvis de Chavannes, de Gustave Moreau, de Dante Gabriel Rossetti, ainsi que d’Edward-Burne Jones. Ayant ainsi décidé de soumettre la réalité à l’idéal de leur art, l’on y reconnaît fréquemment les déclinaisons devenues célèbres d’une œuvre à une autre. Qu’il soit conjugué à un mysticisme spirituel chez les Nazaréens et les Préraphaélites ou plus purement plastique, comme chez la plupart des peintres dits « Pompiers », l’excellence de leur technique, la suavité des couleurs et la langueur élégante des poses concourent à la matérialisation d’un plaisir esthétique paroxystique.

L’on retrouve également dans le travail de Jules Machard ce canon féminin typique de l’artiste qui s’incarne au fil de son oeuvre peinte à travers les figures mythologiques d’Angélique (Ill.3) et de Séléné (Ill 1 et 2). Si la destinée douloureusement humaine de la première s’oppose à l’inmmuable sérénité de la déesse, l’on retrouve plastiquement chez l’une et l’autre ce même amour de l’artiste pour la ligne épurée, la blondeur des longs cheveux flottant au vent et des courbes féminines longilignes et harmonieuses à la cambrure élégante.

Ill.1. Jules Machard, Séléné, 1874-1878, Tapisserie haute lisse, laine & soie, 365 x 263 cm, commande la Manufacture des Gobelins, Paris, Mobilier National.

Ill.2. Jules Machard, Étude peinte pour Séléné, 1874, huile sur toile,  Collection Particulière.

Typique de la vive écriture graphique de Machard, notre ravissant petit croquis à la plume, figurant une femme nue au visage tourné vers le Ciel et les bras ramenés le long du corps, ne semble pas se rattacher directement à l’une (Ill.1) ou à l’autre (Ill.2) de ces oeuvres peintes. Il s’inscrit cependant à la croisée de deux états, de deux ébauches, se faisant ainsi le précieux témoignage du processus créatif de l’artiste, dont l’esprit se meut toujours entre idéal et matérialisation artistique, monde célèste & monde terrestre. 

VENDU 

Ill.3. Jules Machard, Angélique attachée au Rocher, 1869, huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Dole.

Bibliographie & Références :

Jules Machard, le culte de la ligne, Catalogue d’exposition, Musée des Beaux-Arts de Dole, 2003.