GASTON BUSSIÈRE

L'Écclésiaste Wagnérien (Cuisery, 1862 - Saulieu, 1928)

Peintre symboliste aux influences littéraires et musicales aussi érudites que sensibles, Gaston Bussière, brillant portraitiste, nous offre à admirer, entre autres œuvres, de sublimes héroïnes wagnériennes, médiévales, orientales ou flaubertiennes. Peintre dont la modernité résonne aujourd’hui dans l’univers fantasy, celui-ci se forme en quasi autodidacte. Conscient de la dimension funeste de l’existence et de la tragédie de la mort trouvant une divine contrepartie dans l’au-delà, il parsème sa production picturale d’éphémères envoûteuses qui semblent tout autant de promesses illusoires, par-delà le beau et l’idéal… visite du Musée des Ursulines à Mâcon, berceau de l’artiste, qui conserve une dizaine de ses chefs d’œuvre peints.

Orphée Gaston Bussière

INFLUENCES POÉTIQUES

La Gloire, Orphée. Huile sur toile, 1890. Dépôt de Pont-de-Vaux, Musée des Ursulines.

La formation de Gaston Bussière se caractérise par un double apprentissage : celui qu’il effectua auprès de son père, peintre-décorateur mâconnais pour des établissements publics, des églises ou des demeures particulières, et celui, en parallèle, avec des cours de dessin à l’École municipale d’art de Mâcon de 1878 à 1879, puis à l’École des Beaux-Arts de Paris au sein de l’atelier d’Alexandre Cabanel. Il s’imprègne aussi du style de Puvis de Chavannes dont l’enseignement est perceptible dans cet onirique tableau à l’atmosphère mélancolique et aux douces figures. Présentée par l’artiste au Salon des Artistes Français de 1890, celui-ci enchevêtre patriotisme contemporain avec l’aspect et la destinée de personnages issus de la poésie grecque, anglaise et shakespearienne.

Gaston Bussière

LÉGENDES NÉO-PATRIOTIQUES

La Mort de Roland, 1893, huile sur toile, Musée des Ursulines de Mâcon.

La présentation quasi annuelle au Salon de grandes toiles narrant la légende de Roland ou celle des Walkyries le firent remarquer par le Sâr Péladan. Ainsi, à la seconde Geste Esthétique, lors du deuxième Salon de la Rose+Croix, du 28 mars au 30 avril 1893 au Palais du Champs de Mars, sont dévoilées deux peintures de Gaston Buissière : Brunhilde et La Mort des Preux accompagnée de l’esquisse pour La Mort de Roland. A l’orée d’un bosquet brocéliandesque, revêtu d’une côte de mailles aux écailles quasi aquatiques, Roland expire son dernier souffle. Commandant l’arrière-garde de Charlemagne, trahi par Ganelon, il meurt la face tournée vers ses ennemis, une main tendue vers Dieu et l’autre sur sa bonne épée. Bussière reste fidèle à l’épopée médiévale exaltant le courage et la foi du chevalier qui se rend à Dieu seul et reprend l’iconographie du XVe siècle, en donnant à ses apparitions ailées des formes féminines sans ambiguïté. Un sfumato délicat les entoure tandis que pâte et pigments se font plus riches sur la tunique guerrière de Roland. Là, le peintre, qui poussait le souci du réalisme jusqu’à fabriquer lui-même les armures de ses personnages, restitue d’un pinceau précis les nuances de la lumière qui se jouent dans les facettes du métal. Le regard levé vers le cortège angélique, l’ultime geste vaillant du guerrier offrant son gant à l’apparition féminine ailée aux longues ailes et cheveux rosés, structure la composition et le propos du tableau. La seconde diagonale remarquable est celle du ciel et de la terre, du monde céleste et celui des ténèbres établit par contraste symbolique avec la blancheur nacrée et lumineuse des trois anges en opposition à l’obscurité charnelle du guerrier que celui-ci perçoit grâce à son passage vers l’au-delà.

Gaston Bussière

AUX MILLE ÉCLATS

Yseult la blonde, huile sur toile, Musée des Ursulines de Mâcon

Jeanne d’Arc, Hélène, Ophélie ou Iseult la blonde ont été des héroïnes particulièrement choyées de l’artiste. Peint dans un contexte où la musique wagnérienne enflamme le tout Paris, Yseult la blonde devient une égérie. La tragédie émanant de leurs destinées lui donne matière à exacerber la puissance de leur regard fatal, pétrifiant par effet miroir tout amoureux du beau, le spectateur qui les regarde. C’est afin de sublimer son art et de l’élever vers un idéal esthétique, que Gaston Bussière concentre toute l’énergie de son pinceau dans les yeux de ses figures féminines. Messager de l’émotion et du sentiment de l’âme, ils en deviennent presque l’unique sujet de ses tableaux. L’autre partie la plus aboutie de ce travail est le visage d’Yseult dont la facture porcelainée rappelle l’influence académique encore proche de Cabanel qui fut le premier maître de Bussiere. Figurée après avoir bu le philtre magique qui la fit tomber éperdument amoureuse de Tristan, son regard, halluciné par la magie, flamboie de couleurs multiples. Grâce à d’infimes touches vitraillées, le peintre capte et diffuse l’émotion vitale et destructrice. Vert, violet, bleu et or … l’œuvre devient ici le calice de l’esthète.

visite culturelle

Gaston Bussière

TRAGI-ORIENTALISME

Salammbô, huile sur toile, 1920,  Musée des Ursulines de Mâcon.

Tout comme la musique constitue chez l’artiste un idéal de l’expression de l’âme, le peintre puise dans la danse le sublime qu’incarnent ses héroïnes. La synthèse des arts prônée par Wagner ainsi que la dualité des sentiments et celle du corps et l’âme, se cristallisent dans la peinture de cette fatale et lunaire Salammbô : la famille en fera don au musée des Ursulines en 1937. Oeuvre tardive dans sa production, le déhanchement serpentin et érotique de la fille d’Hamilcar évoque un univers plastique et esthétique proche de celui de son maître Gustave Moreau. Servante de la déesse Tanit, Salammbô donne son nom au roman de Gustave Flaubert dont s’inspire l’artiste. Pour l’écrivain, il s’agit de raconter l’amour brut qui l’attache à Mâtho, le chef des mercenaires employés par Carthage dans sa guerre contre les Romains ; le destin des deux héros est pris dans le tumulte de batailles et de cruautés auquel donne lieu, près de trois cents ans avant Jésus-Christ, la révolte des mercenaires au retour du combat.

Bibliographie : Gaston Bussière (1862-1928) par Benoît Mahuet, Cahier d’inventaire n°12, Musée de Mâcon, 2009

 

Kellie Castle, Traquair, decorative figures
 

Musée des Ursulines de Mâcon

5, rue de la Préfecture

71000 Mâcon

Horaires d’ouverture :

Fermé le Lundi

Mardi – Vendredi de 10h à 12h30 puis de 14h à 18h

Dimanche de 14h à 18h