Carlos Schwabe, Salon Rose Croix

Carlos Schwabe

(Altona, 1866 – Avon, 1926)

Affiche du 1er Salon de la Rose + Croix

1897

Chromolithographie sur papier vélin

sujet 172 x 354 mm ; marges 290 x 397 mm

Oeuvre encadrée : 44  x 64,5 cm

Signée Carloz Schwabe dans la planche

Cachet sec des Maîtres de l’Affiche en bas à droite

Cadre XIXe en bois clouté et teinté à décor floral de cuivre rouge, montage de conservation vert amande

« Par la fable, atteindre l’ineffable », par le visible, atteindre l’invisible1. Ainsi pourrait se résumer l’esprit visionnaire de Carlos Schwabe. Artiste spirituel à la sensibilité exaltée, il est l’un des plus merveilleux symbolistes des années 1900. Par son pinceau ou son crayon, il entremêle prose et lyrisme, réel et abstrait, humain et divin, prosaïque et sacré. En résumé, il tente d’emmener le spectateur sur des chemins de correspondances et de symboles. Illustrateur de nombreuses œuvres littéraires comme Le Rêve de Zola, ou Les Fleurs du Mal de Baudelaire pour lesquelles il réalise une vingtaine d’illustrations et de décors floraux, il montre, dans ses toiles, son attirance pour les sujets mystiques et le thème de la mort. Comparé à Dürer et à Botticelli pour la minutie de ses dessins, influencé par les préraphaélites, Schwabe compose au tournant du siècle une peinture singulière, emplie de religiosité et d’étrangeté. Né à Altona, près de Hambourg, l’artiste n’a que quatre ans lorsque sa famille emménage à Genève. Présentant des dispositions manifestes pour le dessin, il ne peut cependant s’y consacrer pleinement à cause d’un père qui n’envisage pas une carrière artistique pour son fils. Il parvient cependant à bénéficier d’une formation à l’École des Arts Industriels. Le jeune Schwabe découvre le Paris symboliste l’année 1884, où il y fait ses premières armes dans le domaine des arts appliqués. En 1891, il expose pour la première fois au Salon national des Beaux-Arts au Champ-de-Mars. Attiré par les cénacles idéalistes et fréquentant les milieux ésotériques et occultistes, il réalise, l’année suivante, l’affiche du premier Salon de la Rose-Croix. Organisé sous l’impulsion de l’excentrique et catholique Sâr Péladan le 10 mars 1892 dans la galerie Durand-Ruel, on y croise et présente les œuvres légendaires, mythiques, allégoriques, oniriques et littéraires de Fernand Khnopff, Henri Martin, Jean Delville, Alphonse Osbert, Gustave Moreau, Puvis de Chavannes, Armand Point, Jan Toorop, Edmond Aman-Jean, Charles Filiger, Emile Bernard, Ferdinand Holder, Rogelio de Egusquiza, Jean Dampt et Alexandre Séon.

Cachet à sec Maïtres de l'Estampe

L’affiche dont nous présentons la version lithographiée, est une icône de la mouvance idéaliste alors en pleine floraison. Les Maîtres de l’Affiche est une publication illustrée mensuelle française, fondée par Jules Chéret, éditée entre décembre 1895 et novembre 1900 installée dans une imprimerie située au 20 rue Bergère à Paris. Chaque numéro comprend quatre affiches reproduites au format 29x40cm en chromolithographie et chaque tirage comprend un timbre à sec d’authentification.

Encadrées par une frise à motifs de croix couronnées de roses christiques enchainées les unes aux autres et évoquant le Graal, deux figures séraphiques s’élèvent main dans la main sur les marches d’un escalier céleste de pierre duquel surgissent des fleurs mystiques de roses et de lys. La première femme, totalement désincarnée, tient un cœur fumant désignant la Foi. Celle-ci donne la main à figure féminine brandissant un lys à la Lumière Céleste qui représente la Pureté et dont la cheville vient de s’échapper d’une chaine, symbole du mal et de la matière subie comme une entrave. Dans le registre inférieur, une troisième femme nue aux yeux clos et à la longue chevelure est assise dans un angoissant liquide duquel ses deux mains émergent, enchevêtrées d’algues aux doigts. C’est l’Humanité charnelle engluée qui lève son regard vers l’escalier symbolique. S’il est un thème majeur dans l’art de Carlos Schwabe, c’est celui du chemin : chemin à parcourir pour atteindre l’Idéal, et de la route semée d’embuches que doit suivre l’Homme.

Schwabe, détail
Cadre Art Nouveau

Le haut de l’affiche suggère, par des formes très stylisées d’étoiles et de sommets, l’Idéal mystique qu’aucun mot ne peut décrire ni appréhender et d’où rayonne la lumière céleste. En concevant ces formes féminines étirées et vêtues de parures minimales avec un traitement graphique stylisée à l’extrême, le peintre crée ainsi une iconographie originale qu’il destinera désormais à l’incarnation des valeurs spirituelles de la pureté. Le graphisme japonisant des inscriptions ajoute à l’étrangeté de l’œuvre.

Cet évènement mythique de l’Art Symboliste est accompagné musicalement par les Sonneries de la Rose+Croix composées par Erik Satie. Pour son chef d’orchestre, Joséphin Péladan, « il n’y a pas d’autre beauté que Dieu » : l’art en étant sa recherche par la beauté. Pour l’écrivain, l’art constitue une mission divine. L’oeuvre parfaite ne doit pas seulement combler l’intellect, mais se doit d’être un tremplin qui élève l’âme. Cette quête du beau est motivée par la nostalgie édénique de l’harmonie perdue, que l’homme recherche d’instinct en toutes choses. Carlos Schwabe peut être regardé à la fois comme exemplaire et atypique du Symbolisme. Un individualisme forcené, allant jusqu’à l’isolement et un certain aveuglement, une hypersensibilité presque maladive et une formation d’autodidacte, ont fait de lui le mystique par excellence. Sa correspondance montre un homme dominé par l’exaltation et une pensée immédiatement symbolique, qui a sans cesse recours aux images. Également guidé par le sentiment du Devoir, l’artiste devait être pour lui un messie, dont l’ art est le don, montrant au plus grand nombre le chemin à suivre et l’Idéal à atteindre.

1er Salon Rose Croix Affiche
Détail Carlos Schwabe

VENDU

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Maîtres de l'Affiche, adresse détail

Bibliographie et notes

  1. Ces mots sont inspirés d’un texte de Béatrice de Andia (Le Symbolisme et la femme 1986, p. 31)

Isabelle Payot Wunderli, La ligne et l’expression : Carlos Schwabe (1866-1926), un symboliste au musée, Genève : Revue d’Histoire de l’art et d’archéologie, 2010.

Jean-David Jumeau-Lafond, Carlos Schwabe, Symboliste et Visionnaire, ACR Éditions, 1996, 262 p.

Jean-David Jumeau-Lafond, Aurélie Carrérie, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal illustrées par la peinture symboliste et décadente, Édition Diane de Selliers, 2017.

Jean-David Jumeau-Lafond, “Carlos Schwabe”, Mystical Symbolism, The Salons de la Rose+Croix in Paris 1892-1897, cat. exp. New York, Solomon Guggenheim Museum, Venise, Fondation Peggy Guggenheim, 2017.

L’art idéaliste et mystique, doctrine de l’Ordre et du salon annuel des Rose + Croix, Paris 1894, Chamuel, p. 33.