Maurice Chabas
(Nantes, 1862 – Versailles, 1947)
Vers la Lumière
vers 1930
huile sur toile
47 x 61 cm
Signé en bas à droite Maurice Chabas
Cadre moderne Degas blanc césuré
« Artiste, tu es prêtre ! » Joséphin Péladan, 1892.
Né au sein d’une famille de commerçants nantais cultivés et érudits, le jeune Maurice et son frère Paul sont encouragés très tôt par un père féru et dilettant de peinture. Les deux frères s’initient aux Beaux-arts de Nantes sous l’égide d’Alexandre Chantron. S’ils bénéficient d’une formation artistique commune, leur vocation propre se démarque rapidement : tandis que Paul s’oriente vers une carrière de portraitiste mondain, Maurice est attiré par un idéal et une vision intérieure qui ne firent que s’accroître jusqu’à son dernier souffle. Ayant intégré l’académie Julian en 1883 à l’âge de 21 ans, il étudia dans les ateliers de William Bouguereau et de Tony Robert-Fleury qui lui transmirent les codes de la grande tradition classique jusqu’en 1888. C’est en 1885 que Maurice Chabas commence à exposer au Salon de la Société des artistes français, dont il devient membre. Entre 1891 et 1896, il expose à la Société nationale des Beaux-Arts et obtient deux médailles, avant d’être médaillé de bronze à l’Exposition Universelle de 1900. Sa participation à tous les Salons de la Rose + Croix de 1892 à 1897 confirme sa notoriété et ses œuvres mystiques, présentées sous la baguette du Sâr Péladan, sont remarquées. A l’encontre de maintes symbolistes qui pratiquaient la philosophie dans leur tour d’ivoire, Chabas ne cessa de mener une vie sociale dans laquelle il faut y voir au-delà de la mondanité car l’artiste croyait en sa force de conviction et de conversion spirituelle. La première exposition personnelle des œuvres de Chabas se tient à la fin de l’année 1885 avenue de l’Opéra
Imprégné de spiritualisme, le peintre s’applique à transmettre, par le biais de son art, sa croyance en la survie de l’âme après la disparition du corps. Thème crucial dans son œuvre, il donne une conférence emblématique sur le rôle social de l’art le 22 mars 1914. Selon lui, la principale qualité exigée d’un artiste est d’avoir accédé à la vie contemplative, qui seule permet une véritable évolution individuelle : la révélation des grands mystères de la Vie ne se produisant que dans la méditation et la solitude. Ce prosélytisme constitue pour lui une charité intellectuelle et spirituelle. Maurice Chabas magnifie l’art en lui attribuant une puissance de suggestion considérable où l’artiste se fait apôtre, guidant l’humanité à la perfection vers la paix éternelle. Du 14 avril au 28 avril 1926, une exposition monographique de peintures, exclusivement religieuses, est organisée à La Palette Française dans la galerie située au 152 boulevard Haussmann. Composée d’une vingtaine de peintures cosmiques et de quelques dessins, le thème central s’articulait autour d’âmes libérées de leur enveloppe corporelle, s’envolant vers des sphères célestes. Maurice Chabas aimait passionnément le ciel ; ses amis pensaient qu’à force de le contempler et de sonder ses profondeurs, le peintre y avait vu Dieu. Soutenu par les écrits de son ami astronome Camille Flammarion, c’est à partir de son ouvrage La Mort et son Mystère que le peintre conçoit ses envols d’âmes, basés sur l’idée de survivance de l’âme et d’une intercommunication entre le monde terrestre et l’au-delà.
L’artiste ne nous en suggère pas une vue possible, mais peint une vérité qu’il dit avoir contemplée lui-même, dans un état extatique. En 1932, Chabas présenta six œuvres spiritualistes dans le cadre d’une exposition consacrée à de telles visions et qui se tint à Paris et à Genève aux côtés d’œuvres d’artistes défunts et renommés tels Victor Hugo, William Blake ou Odilon Redon. En magicien de la peinture, il réussit ce tour de force de suggérer tout à la fois la douceur, la vibration et l’immensité surnaturelle. Devant ses œuvres ambitieuses, les critiques n’hésitèrent pas à parler d’aurore rénovatrice religieuse, création d’un art spirituel neuf et grandiose.
Dans notre tableau, Maurice Chabas donne toute la puissance à sa palette dont les couleurs chantent un hymne christique, son pinceau fougueux aux belles notes d’art disposant une pâte abondante et épaisse. Sa technique virtuose lui permet de figurer d’une manière très particulière le chatoiement et les scintillements de la lumière rendus par une habile superposition de touches posées en virgules. Chabas parvient ainsi à donner l’impression de la profondeur des couches d’air et de leur transparence. Comme en musique, chaque nuance tonale est investie d’une intense charge émotionnelle : les tonalités assourdies et délicatement dégradées ou, à contrario étincelantes, transportent tour à tour le regardeur dans un sentiment mélancolico-contemplatif ou vibrant d’allégresse. Dans notre tableau, le vibrato du halo central jaune pâle irradie en une onde aux dégradés de rose tendre, parme, violet et bleu hypnotique : ce chromatisme symbolise l’allégresse de ses âmes irradiées et enivrées de béatitude divine. Ces tonalités arc-en-ciel couplées à une touche papillonnante convergent vers la figure centrale du tableau : le Christ. Revisitation féérique de la parousie théologique, « Ce n’est plus le tableau qui est éclairé mais lui qui devient éclairant. (…) des serpentins multicolores tournoient et flamboient comme des personnages de Carrière qu’on placerait devant des rayons ultraviolets » Une intense émotion est suscitée par l’enivrante impression de mouvement, de tournoiement et d’envol : nous voici irrésistiblement emportés par un souffle puissant.
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Bibliographie
Notes : Marc Lenossos, Exposition Maurice Chabas, Dernières Nouvelles, 4 février 1930.
Myriam de Palma, Maurice Chabas (1862-1947) Peintre et messager spirituel, Somogy Editions d’Art, 2009, 127.p.