Camille-Auguste Gastine, d’après Hans Baldung Grien
(Paris 1819 -1867) – (Weyersheim 1484 – Strasbourg 1545)
Le Palefrenier Ensorcelé
vers 1860
Mine de plomb sur papier calque
189 x 200 mm
Cachet de l’atelier de l’artiste CAG en bas à gauche, petites déchirures aux coins inférieurs
Montage en portefeuille de conservation rigide blanc
Brillant dessinateur, Camille-Auguste Gastine bénéficie de l’influence ingresque diffuse au sein du milieu artistique parisien au XIXème siècle. Élève du peintre historiciste Paul Delaroche aux Beaux-Arts, il participe à de nombreux chantiers de décorations murales. En 1856, il collabore au décor de l’abbaye de Saint-Germain des-Près aux côtés d’Hippolyte Flandrin puis au décor de la chapelle Saint-Joseph de la Cathédrale Saint-André de Bordeaux avec Sébastien Cornu ainsi que de la Chapelle du château de Broglie avec Savinien Petit. L’artiste dessine ici sur calque une série de gravures d’après les maîtres de la Renaissance nordique (Martin Schongauer (1448-1497), Albrecht Dürer (1471-1528), Hans Bandung Grien (1484-1545), Albrecht Altdorfer (1430-1538), Lucas de Leyde (vers 1494-1533)) dont il s’inspire afin de stimuler sa créativité, parfaire son art et la fluidité de ses compositions, dont est issue notre feuille.
C’est en 1544, peu de temps avant sa mort, qu’Hans Baldung Grien réalise l’une de ses plus saisissante et fantastique gravure : Le Palefrenier Ensorcelé. Gîsant christiquement sur l’estrade au premier plan de l’image, ce Palefrenier mystique nous fait ainsi face dans un raccourci optique le plus trivial et le plus étonnant de toute l’oeuvre de l’artiste allemand, voire de la gravure en Occident.
Ill.1. Hans Baldung Grien, (1484-1545), Le Palefrenier ensorcelé, vers 1534, gravure sur bois en relief, état II/II, 34,7 x 20,3 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie.
La moitié supérieure de la gravure fait place à deux étranges protagonistes. Un cheval au regard sévère et à la croupe puissante se tourne du côté gauche, vers le spectateur, interpellé par l’immobilité du gisant qui était censé lui apporter sa ration de foin, laissant ainsi son râtelier vide. Contrarié, celui-ci agite nerveusement sa queue sans remarquer à sa droite la vieille femme aux traits de sorcière qui est apparement à l’origine de ce spectacle. Cette dernière, le sein pendant et pointu, coiffée d’un chapeau cachant ses cheveux ébouriffés, surgit par dessus un mur d’un air shakespearien, brandissant telle une furie, son flambeau ayant servi à jeter un sort au palefrenier pour le terrasser.
Le caractère insensé de la scène est généré par l’envoûtement de la femme-sorcière. La technique, inhabituelle chez Baldung, du trait quasi tremblotant renforce l’aspect insolite de la scène, par ailleurs construite avec une économie de lignes et de volumes qui accroît considérablement l’impact de l’image. L’intérêt de Baldung pour la représentation du démoniaque et du diabolique est une constante dans son oeuvre. Jeune artiste, il représentait déjà des sorcières d’une expressivité maléfique étonnante. Toutefois, le diabolique avait sa place aux côtés du divin, et les démons côtoyaient encore les saints. Dans cette oeuvre testamentaire, Dieu et le diable ont tous deux déserté la surface de l’image. La Nature humaine en tant que telle est vécue et représentée comme démoniaque en l’absence du divin.
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Bibliographie