Von Hoesslin, vierge au papillon

Georges von Hoesslin 

(Budapest, 1851– Munich, 1923)

La Vierge au Papillon

Vers 1900

Huile sur toile

127 x 80 cm

Signé en bas à droite

Cosmopolite et voyageur dès sa venue au monde, Georges von Hoesslin est issu d’une famille patricienne d’Augsbourg. Il naît à Budapest ou son père se trouvait en voyage d’affaires, puis grandit aux États-Unis où son père Theodor lui fait suivre une formation commerciale. En 1871, âgé de vingt ans, il s’initie à la discipline du dessin à Munich auprès d’Alexander Strähuber à l’École des arts appliqués et à l’Académie des Beaux-Arts. Déçu par les méthodes de l’enseignement classique, il interrompt ses études, déterminé à perfectionner ses compétences de manière indépendante. Il se rend alors en Italie en 1875. Les vestiges romains et la lumière de la Méditerranée inspirent son cheminement artistique. C’est là qu’il trouve sa voie, se forge un style personnel et développe le lyrisme intérieur de ses œuvres. La monumentalité progressive de sa peinture témoigne d’une libération artistique. Sa puissance expressive et la maîtrise de sa réalisation force la contemplation du spectateur, faisant de la technique picturale une aide pour transmettre l’émotion plutôt qu’une fin en soi. Ses compositions frappent par leur gravité, parfois sévère, qui laisse pourtant affleurer une sensibilité mélancolique et rêveuse. Hoesslin est un idéaliste, qui parvient à nous transporter grâce à la majesté de ses harmonies colorées, invitant le spectateur à partager un monde intérieurement exalté, presque magique. 

En 1880, il part une année aux États-Unis (Boston et États du Sud) où il connaît un vif succès. Une grande partie de ses œuvres sont toujours conservées en Angleterre et aux États-Unis. En 1884, il s’installe définitivement à Munich qui devient son port d’attache permanent et le lieu où il réalise et expose la plupart de ses tableaux. Outre des compositions historiques et allégoriques, son corpus se compose de paysages naturalistes et de portraits féminins. Au cours des quarante années qui suivent, il séjourne de longues périodes en Italie, louant un atelier à Rome qu’il conserve jusqu’en 1911. La ville devient une source importante de stimulation artistique.



René Quillivic, la fiancé du pêcheur gravure
vierge au papillon jugendstil

Chef d’œuvre symboliste, notre tableau représente la Vierge en Majesté trônant sur un siège d’or, élément emprunté à la fois à l’art byzantin et au Jugendstil. Revêtue d’une longue robe rouge aux drapés soyeux et chatoyants, un linge blanc couvre sa tête et ses épaules. Le rouge, couleur du pouvoir dans l’art byzantin, évoque à la fois le sang du Christ et la majesté divine. Adoptant une expression à la fois sérieuse, douce et mélancolique, cette Madone aux yeux clairs tient sur ses genoux un livre noir fermé ou une tablette, en référence à la Bible et aux Tables de la Loi, symboles de la connaissance des mystères. Assis à ses pieds sur le piédestal, se trouve un Enfant Jésus nu à l’étonnante chevelure rousse, lui offrant de sa main gauche tendue une pomme, à la fois écho au fruit défendu du Jardin d’Éden et préfiguration du sacrifice du Christ. Sur la gauche, on distingue un papillon multicolore volant dans le bleu, symbolisant l’âme et la Résurrection. Dans les bestiaires médiévaux, ils évoquent aussi des pétales volant, renvoyant au jardin de la Vierge. Cette scène mystérieuse se déroule dans un paysage montagneux non moins irréel. L’arrière-plan supérieur, dominé par des pics montagneux d’un bleu profond et sombre, crée un contraste saisissant avec le ciel doré, à la manière de ses contemporains Gustav Klimt et plus tard Yves Klein, évoquant le sacré et l’éternité. En bas, une mer de nuages cotonneux suggère l’altitude des deux protagonistes, figurés dans une sphère céleste et spirituelle. Véritable épiphanie, Sa Vierge au Papillon transcende l’iconographie religieuse pour offrir une méditation poétique sur l’âme, l’art et l’éternité.

Au fil des années, Georges von Hoesslin s’éloigne de la sphère mondaine, se concentrant sur la méditation, la beauté et l’art pur. La constance de ses ambitions, la rigueur de sa technique et la richesse de sa sensibilité font de lui une figure majeure et singulière. Sa production, mêlant réalisme et idéal, classicisme et symbolisme, s’inscrit dans une perspective humaniste et poétique. Les passions humaines, la spiritualité, et la quête de l’absolu sont au cœur de l’œuvre de Hoesslin. Cet artiste fascinant laisse derrière lui une œuvre variée très personnelle, marquée par l’indépendance et la profondeur. Sa peinture demeure pour chacun une invitation à méditer sur la vie, sur sa fragilité et ses enchantements, dans un perpétuel dialogue entre rêve et réalité. C’est à une fascinante redécouverte de ce peintre, qui a toujours cultivé la discrétion et même le mystère, que nous vous invitons.

Prix sur demande

le cloitre de l'art

Bibliographie et références : 

Artur Dobsty, “George von Hoeßlin“, in “Der Türmer”, mai 1907, pages 279–286. 

Hans Vollmer (éd.), “Allgemeines Lexikon der Bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart” (Thieme-Becker), tome 17 “Heubel–Hubard”, E. A. Seemann, Leipzig 1924, pages 223-224. 

Sonja von Baranow: Munchner Maler in 19.Jahrhundert (in Bruckmanns Lexikon) tome 2, pages 203–204 (avec reproduction de la signature)

Exposition: Salon des Arts Cologne en 1907