Auguste Morisot, Portrait de Pauline

Lucienne HEUVELMANS

(Paris, 1881 – Saint Cast, 1944)

La Vierge au Baisier

1930

Bois et ivoire

H : 24 x L : 7,5 x P : 5,5 cm

Signtaure gravée sur la face latérale supérieure du piedestal

Fille d’un dessinateur et ébéniste belge, Lucienne Heuvelmans a su s’imposer dans le monde de l’art. C’est au sein de l’atelier paternel, au coeur du faubourg Saint-Antoine à Paris, qu’elle débute sa formation, bien décidée à se réaliser en tant que femme et sculptrice. Née le 25 décembre 1881, à Paris, elle se passionne pour la sculpture, suit des cours du soir et s’inscrit à la section des filles de l’École nationale des arts décoratifs. Agée d’à peine vingt-trois ans, elle est admise aux Beaux-arts de Paris, où elle parfait sa technique auprès des maîtres Laurent Marquette (1848- 1920), Emmanuel Hannaux (1855-1934) et Denys Puech (1854- 1942). Après six tentatives, elle est la première femme à remporter le Grand prix de Rome de sculpture, en 1911, et cela fait grand bruit dans le monde journalistique, ces derniers considérant que c’était « une éclatante victoire du féminisme », le concours n’ayant été ouvert aux femmes que depuis 1903. Admise de ce fait à la Villa Médicis, elle y séjournera durant deux années, auprès d’Albert Besnard. Elle obtient un certain nombre de commandes en Italie et se spécialise dans la mythologie antique et l’art religieux. A son retour en France, c’est dans le Marais, à l’arrière de l’hôtel de Rohan-Guémené qu’elle s’installe et devient professeur de dessin, dans les écoles de Paris. Son activité est intense : elle participe à des expositions, notamment au Salon des artistes français où elle obtient une médaille de bronze, en 1921 et au Salon des artistes décorateurs au Grand-Palais. Sa renommée est au sommet : elle reçoit les insignes de chevalier de la Légion d’honneur en 1926, au titre du ministère des Beaux-arts. Elle honore même des commandes passées par la Manufacture de Sèvres.

Au début des années 1930, c’est à Saint-Cast, dans les Côtes d’Armor, qu’elle pose ses bagages, tombée sous le charme de la région, à la suite d’une invitation de l’un de ses amis. Elle décide d’y faire construire une maison, la Clarté, en face de la plage de Pen-Guen. Lucienne y apprécie la nature et se mêle aisément à la population locale. Victime d’une mauvaise grippe, elle décède le 26 février 1944, à Saint-Cast. 

Auguste Morisot, Portrait de Pauline

Références Bibliographiques

Sabine SCHOUTETEN, Lucienne Heuvelmans (1881-1944) premier grand prix de Rome de sculpture en 1911 ou histoire des femmes artistes : de l’indifférence à la reconnaissance officielle, mémoire de maîtrise d’histoire de l’art contemporain, université de Lille-III, 1999. 

Laublin Arthur, Ascension Lunaire, école de Mons

Formée de volumes rigoureux et harmonieux, l’œuvre de Lucienne Heuvelmans répond à la dynamique de simplification et de géométrisation formelle caractérisant le renouveau de l’art sacré. Sa Vierge au Baiser présente une composition rigoureuse, doublement pyramidale, soulignée par une ligne sobre enserrant son corps dissimulé sous un amas d’étoffes opaques et épaisses dont les plis cannelés reflètent la lumière. Tandis que la partie boisée semble figée sous le poids du drapé, la partie d’ivoire s’anime gracieusement par la finesse des mains à peine dévoilées portant le minuscule enfant aux minutieuses extrémités. L’intime échange émotionnel des deux visages emplis d’amour l’un pour l’autre, transmet à l’œuvre vie et naturel. Le singulier port du tout petit symbolise la volonté de l’artiste et du commanditaire de représenter une mère totalement dévouée à la contemplation de son enfant, afin de faire écho au regard des fidèles venus l’adorer. Cette image n’est pas exclusivement biblique, elle est la représentation universelle de la tendresse maternelle, symbolique de l’enlacement maternel. La version monumentale de La Vierge au Baiser fut réalisée en 1928 pour l’église Notre-Dame d’Espérance dans le quartier de la Roquette situé dans le 11ème arrondissement de Paris, où elle est toujours conservée.

Auguste Morisot, Portrait de Pauline

C’est en 1926 que l’archevêché entreprend l’agrandissement modernisé de cette ancienne chapelle. Pour la décoration, l’abbé Godet fait appel à des artistes contemporains tels Maurice Denis et Lucienne Heuvelmans, qui habite le quartier. En 1927, l’abbé lance une souscription afin de récolter les fonds nécessaires à la réalisation d’une Vierge qui deviendrait le symbole de la paroisse et dont il décrit en partie l’iconographie : « La Vierge tient dans ses mains allongées horizontalement, comme couché sur elles, son enfant-Jésus qu’elle baise au front. » Sculptée en pierre bourguignonne rose veinée de Tournus, cette statue de dévotion est belle et bien devenue populaire dans l’entre-deux-guerres. Déclinée en dimensions réduites dans des matériaux multiples, elle figure, plus petite, en ivoire, dans la petite chapelle, aux côtés des stations du Chemin de Croix réalisées par l’artiste vers 1930. Notre exemplaire est l’un de ceux-ci, réalisé en bois et os sculpté. La délicatesse de notre statuette n’est pas sans évoquer les Vierges gothiques aux traits raffinés et élégants réalisées par les ateliers d’ivoiriers parisiens au XIIIème siècle. 

1.Bulletin paroissial, Le Rameau, 27 juillet 1927 

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