Louis JANMOT
(Lyon, 1814 – 1892)
Le Songe – Figure préparatoire à l’Échelle d’Or
Le Poème de l’âme, Tableau XII
1837
Crayon noir sur papier
Titré, signé, daté et situé en bas à droite
223 x 270 mm
Collection Nicos Dhikeos (Chypre 1896-1987), cachet sec au coin droit (L.3529) initiales en grec et d’une chouette athénienne, en référence à Minerve
Admis à l’École des Beaux-Arts de Lyon en 1831 sous la direction du peintre historiciste Claude Bonnefond, Louis Janmot remporte à l’âge de dix-huit ans le Laurier d’Or. Deux ans plus tard, il s’installe à Paris, rue de Buci, aux côtés de Jean-Baptiste Frénet et de Claudius Lavergne, afin d’étudier auprès de Jean-Auguste-Dominique Ingres avant de séjourner à Rome en 1835. De retour en France en 1836, Louis Janmot participe au Salon de Peinture et de Sculpture. Il présentera trois grandes toiles à sujet christique dont la tragique Agonie au Jardin des Oliviers et le puissant Christ au Tombeau en 1840, qui fut élogieusement rapproché par les critiques de son temps de l’œuvre de Philippe de Champaigne, inscrivant ainsi l’artiste dans la noble école de peinture religieuse du XVIIème siècle français.
Parallèlement aux Salons, Louis Jamot s’investit dans un colossal programme pictural et littéraire, qui, l’ayant animé depuis son adolescence, l’accompagnera jusqu’à sa mort : Le Poème de l’Âme. Entrepris à Rome au milieu des années 1830, la première partie est dévoilée au public lors de l’Exposition Universelle de 1854, grâce au soutien d’Eugène Delacroix. Composée de dix-huit tableaux accompagnés d’un long poème ésotérique à la manière de William Blake, cet ambitieux cycle aux accents dantesques et symbolistes, illustre les différentes étapes de l’évolution de la vie de l’âme humaine. L’iconographie à la philosophie complexe préfigure la psychologie jungienne et les études sur l’inconscient au XXème siècle. Des centaines de dessins préparatoires et des cartons d’exécution attestent le labeur de Janmot, l’énergie déployée pour concevoir et mener à bien cet ensemble exceptionnel et vivant, évoluant au fil du temps et des épreuves, d’une exigence marquée par une mélancolie profonde. Le cycle raconte les tribulations sur terre de l’âme, incarnées dans le corps d’un jeune homme androgyne que rejoint un double féminin, avec lequel il affronte les forces du mal et cherche à s’en défendre grâce aux bienfaits de la religion, avant d’être séparé de sa compagne, quand celle-ci rejoint les cieux. Leur évolution spirituelle et initiatique se déroule au milieu d’un bruissement continue d’ailes et de vêtements vaporeux : y résonne une musique céleste dans des paysages serins et familiers de la campagne lyonnaise ou du Bugey, imprégnés d’une lumière dorée surnaturelle. Notre beau dessin est à relier au tableau XII du cycle intitulé L’Échelle d’Or, dont la figure à la douce rêverie se rapproche de celle du jeune homme assoupi main sur le coeur contre l’arbre à droite dans la composition finale. Notre étude précoce de 1837 témoigne des recherches d’attitude du jeune homme par l’artiste : ici dans une posture plus intérieure, solitaire et recueillie que celle sur le tableau final de 1850 au port de tête plus extatique et à l’attitude ouvertement pâmée.
Ill. Louis Janmot, L’Échelle d’or, 1850-1851, huile et tracé au crayon graphite sur toile, 112 x 144 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts.
Dans le tableau XII, le couple endormi sous un arbre fait ici l’expérience d’une vision : par un escalier formant un pont entre Dieu et les rêveurs, neufs anges descendent du ciel vers la terre. Ils représentent les arts et disciplines qui permettent à l’âme de s’élever et de percevoir la beauté de la création divine. La Poésie est en tête du cortège, tenant dans sa main droite une plume, elle atteint la surface terrestre et inaugure le poème par ces mots*. On reconnaît à sa suite la Peinture flanquée d’une palette, la Musique parée d’une harpe, l’Architecture, l’Astronomie au globe, la Science avec un ballon de chimie ; et enfin, tout en haut de l’échelle, la Théologie, représentée par le triangle de la Trinité, puis la Philosophie et la Sainteté. Chaque Muse permet à l’âme de s’élever d’un degré vers Dieu, d’allier le monde terrestre à l’infini, et de conduire l’âme vers la sainteté, laquelle conclut le poème par ce vers : « Je n’ai rien à chercher, Seigneur, car je vous aime. »
POÉSIE «*C’est l’idéal, c’est Dieu que, rêveuse et troublée, Je cherche sans repos, depuis ce jour lointain // Ou belle, heureuse alors, depuis triste exilée, L’âme humaine tomba de sa divine main. Qui me consolera, si, du ciel descendue, // J’en emporte partout l’éternel souvenir, Si je ne dois plus voir cette beauté perdue A laquelle ici-bas en vain je veux m’unir? Aussi, ma voix n’est qu’une plainte // Pleine d’amour et de regrets, Vous le savez, sentiers secrets, Qui de mes pas portez l’empreinte. Que me sert de vous suivre aux plus ardus sommets, Au fond des bois sacrés ou la brise soupire, Si, vers le seul bien où j’aspire // Vous ne me conduisez jamais ! » Louis Janmot.
5 000 €
Bibliographie
L’Âme Poème, trente-quatre tableaux et texte explicatif, préface de Patrice Béghain, Le Poème de l’âme, une œuvre intempestive, Éditions Fage, Lyon, 2017.
Élisabeth Hardouin-Fugier, avec le concours de Bernard Berthod, Louis Janmot, peintre de l’âme. Frémur Éditions, 2020.
Catalogue d’exposition, sous la direction de Sevrane Dargnies-de Vitry et Stéphane Paccoud, Louis Janmot, Le Poème de l’âme, Musée d’Orsay, In Fine éditions d’art, Paris, 2023.