Joseph & Pierre MOUGIN

(Nancy 1876-1961/1880-1955)

Le Recueillement

Vers 1900

Sculpture en Grès, émaux verts, bleu, beige & ocre sur socle en bois
H : 22 x Long : 16 cm (sans le socle)

Cachet d’atelier en creux : Mougin Nancy, Signature émaillée dans le décor sur le bord du siège. Provenance : Collection David Wilkie Cooper (photographe)

 

Lorrain, Joseph Mougin naît à Nancy le 7 juin 1876. Peu désireux de faire de grandes études, il se dirige encore adolescent, sans hésitation, vers les métiers de l’art. En 1890, Joseph, alors âgé de 14 ans entre en apprentissage chez Arthur Pierron, statuaire nancéien peu connu, de style néoromantique. Cette première expérience pratique le confronte à la terre et au feu. Confirmant son engagement & ses aspirations créatives en s’inscrivant à l’école des Beaux-Arts de Nancy sous l’enseignement du sculpteur Art Nouveau Ernest Buissière, il obtient le 1er prix de dessin. Il passe ses soirées aux côtés du peintre Victor Prouvé qu’il assiste dans ses petites tâches d’atelier. C’est à Paris que l’étudiant en art continue de parfaire ses gammes à l’École des Beaux-Arts de 1894 à 1899 dans l’atelier du sculpteur Ernest Barrias, où il reçoit un enseignement académique. S’étant rendu compte au fil de sa formation que la statuaire monumentale n’était pas son ambition, Joseph quitte les Beaux-Arts sans concourir pour le prix de Rome. Sur recommandation de son professeur et ami Barrias, Joseph est admis aux ateliers de Sèvres afin d’y recevoir une première initiation à la céramique. C’est ensuite aux côtés de son frère Pierre Mougin (1880-1955) qu’il construit, à Montmartre, un four de type chinois qui leur permet d’exposer leurs premières oeuvres à l’Exposition Universelle en 1900. Comme souvent dans les ateliers de grès à l’époque, d’autres artistes leur confient l’édition de leurs œuvres dont Louis Majorelle, Pierre Roche et Victor Prouvé. En 1905, leur travail est récompensé par la première mention discernée au Salon des Artistes Français.

Joseph se fait à la fois modeleur, mouleur, coloriste, maître du four et émailleur. Véritable artiste-artisan assumant pleinement une interactivité entre la matière et le sujet, il réalise un authentique travail d’osmose créative entre l’esprit et la main.Chacune de ses œuvres nécessite un long temps de maturation pour le modelage de la statuette, en cire ou en terre. Chaque tirage, en gré ou porcelaine est polychromé ou émaillé. Une première cuisson en dégourdi vers 1000° précède la cuisson au grand feu, vers 1280°, qui vitrifie à la fois la pâte et le revêtement vitreux.

Les créations de Joseph Mougin visaient une clientèle restreinte et sensible au trouble affectif que transmet une œuvre sensuelle ou spirituelle. Il est à la fois celui qui puise les sujets au cœur de son temps et celui qui les traduit en messages. Son œuvre statuaire privilégie la figurine de salon car il ne veut pas faire, comme Alexandre Bigot, du monumental avec la céramique. Le raffinement de ses précieux assemblages de grès et de porcelaine témoigne du plaisir qu’il prend à modeler, apportant une part de rêve à ses collectionneurs à travers une vision symboliste de la femme. Elle y joue ainsi un double rôle : celui d’hétaïre sensuelle ou d’énigmatique princesse. Les peintures préraphaélites de l’anglais Edward Burne-Jones (1833-1898), puis celles du belge symboliste Ferdinand Khnopff (1858-1921) préfigurent son inspiration. Si ses sujets sont peu nombreux, tous sont d’une interprétation raffinée. Le modelé des corps féminins doit à Félicien Rops son dessin voluptueux et l’esprit sulfureux de ses poses, certaines langoureuses et d’autres plus suggestives. Le travail de Joseph se démarque des codes de la Manufacture nationale de Sèvres grâce à ses créations symbolistes à la technique audacieuse et originale : en effet si ses vases sculptés japonisants s’inscrivent dans la continuité de l’École de Nancy, il s’engage aussi dans des créations teintées d’orientalisme éthéré ou de médiévalisme romantique.

En termes de modernité, c’est à dire de réaction à ce qui est présent, les dernières décennies du XIXe siècle multiplient les recherches esthétisantes qui rejettent le matérialisme et les visions rationnelles de la science. Issu d’un monde littéraire réfractaire aux réalités morales & objectives du quotidien, le symbolisme puise sa culture dans une spiritualité idéalisée, pétrie de poésie. Il est aussi, dans son esthétisme, proche de l’Art Nouveau, avec qui il partage des valeurs progressistes. Ses principaux représentants sont, en France, Mallarmé, Rimbaud et Verlaine. En s’appuyant sur les acquis des préraphaélites, en intégrant le rêve dans la recherche picturale, des artistes comme Gustave Moreau, Alphonse Mucha, Odilon Redon génèrent une sensibilité intellectuelle ancrée dans l’onirisme décoratif, souvent avec théâtralité ou maniérisme. L’imaginaire et le subconscient deviennent une source d’inspiration traduite par des thèmes bibliques, mythologiques, exotiques ou fantastiques : Joseph Mougin se glisse dans ce mouvement en créant son type de femme-icône.

La veine symboliste ou historiciste se traduit dans l’œuvre de Mougin par des statuettes et des bustes puisant leur caractère décoratif dans une traduction romantique ou symbolique de l’époque médiévale et l’illustrant par des personnages aux vêtements précieux et aux traits délicats quelquefois énigmatiques. Notre statuette, intitulée, Le Recueillement figure ainsi une femme en prière les mains jointes, revêtue d’une robe princière et de petits chaussons à bouts pointus de style médiéval, assise sur un trône aux reflets bleu céleste et aux formes néogothiques. Invoquant l’idéal de l’art pour l’art, tel qu’abordé par Théophile Gautier, cet esthétisme est vécu comme un idéal de perfection, portant un nouveau sens artistique qui cisèle le Beau Absolu obtenu hors de tout caractère philosophique ou éthique. L’art se manifeste ici par et pour lui-même. Notre belle statuette s’en fait ainsi la prière incarnée. Le visage, incliné pudiquement vers le cœur intérieur, se caractérise par une belle expression mystique.

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Bibliographie & Références :

Jacques G.PEIFFER. Joseph & Bernard Mougin, Ode à la femme. Faton éditions, 2011.