Nesterov, Vision de Saint Bartholomé, icone russe symboliste

Mikhaïl Vassilievitch Nesterov (d’après)

Oufa, 1862 – Moscou, 1942

La Vision de l’enfant Bartholomé

vers 1920

Peinture à tempera pyrogravée sur bois 

 19,5 x 17,5 cm

Inscription en vieux slavon en bas à gauche, et signé Нестеров//1889г

Mikhaïl Nesterov se forme à l’École de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou sous la direction de Vassili Perov et d’Alexeï Savrassov, ainsi qu’à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg entre 1881 et 1884. Il rejoint le cercle d’Abramtsevo en 1889. L’un des grands chantiers de sa carrière fut le décor de la cathédrale Saint-Vladimir de Kiev entre 1891 et 1895. Membre de la Société des Ambulants, il est l’un des fondateurs de l’Union des artistes russes.

La Vision de l’enfant Bartholomé fait partie d’un cycle de tableaux consacrés à la vie de saint Serge de Radonège (1321-1392), qui joua un rôle historique dans l’unification du peuple russe durant la période de lutte contre le joug tatar, à la fin du XIVe siècle. Le sujet du tableau repose sur son récit légendaire : Serge, qui dans sa jeunesse vivait à Radonège, s’appelait alors Bartholomé. Envoyé par son père retrouver des chevaux enfuis, le garçon vit un starets qui priait sous un chêne dans un champ. Au vieillard, lui ayant demandé ce qu’il désirait, l’enfant Bartholomé répondit : « l’esprit d’étude des écritures saintes ». Le starets en fit don au garçon et le bénit. L’icône à vantaux avec l’hostie dans les mains du starets rappelle, par ses contours, une église, et la chapelle que l’on aperçoit non loin, préfigure les futurs exploits du saint. La délicate silhouette de l’adolescent, que Nesterov peignit en prenant comme modèle une petite paysanne maladive, traduit l’acceptation pleine d’abnégation miraculeuse. Fondateur du monastère de la Trinité, Serge de Radonège fut sanctifié par l’Église. Il fut l’un des premiers à introduire en Russie, l’érémitisme monacal qui consistait en un isolement total afin de se perfectionner à l’écart du monde. La solitude en harmonie avec la nature au nom de la purification morale de l’âme pour gagner en force spirituelle et donner un sens clair à sa vie, fait écho au deuil vécu par l’artiste. En 1886 son épouse bien-aimée meurt, le laissant seul avec sa fille nouvelle-née, Olga.

En s’écartant de la narration des icônes traditionelles, Nesterov s’efforce de pénétrer dans les profondeurs secrètes de l’âme russe. L’adolescent Bartholomé est ici représenté contemplatif et concentré, comme en prière. A son état, correspond le silence et la clarté particulière d’un paysage transparent d’automne, l’image d’une nature sensible, pensive, inspirée. Une longue période préparatoire précéda l’exécution du tableau. Au cours de son travail, Nesterov vécut dans les environs de la laure de La-Trinité-Saint-Serge, et visita les lieux liés à l’action du saint. C’est aussi à cette époque que le peintre devint ami du mécène Savva Mamontov, à Abramtsevo. C’est là qu’il trouva le fond du paysage pour son tableau : « Un jour, depuis la terrasse de la maison d’Abramtsevo, se présenta tout à fait soudainement à mon regard une telle beauté automnale russe ! A gauche, des collines, une rivière qui serpente en contrebas… Des lointains rosâtres d’automne, une petite brume qui s’élève “

Mikhail Nesterov, La Vision de l'enfant Bartholomé. jp

Ill.1 Mikhail Nesterov, La Vision de l’enfant Bartholomé, 1889-90, huile sur toile, Moscou, Galerie Trétiakov.

En 1899, à la recherche d’un nouveau langage pictural, Nesterov se rend en Europe. Le regard de sainte Jeanne d’Arc émanant du tableau de Jules Bastien-Lepage le frappe : « ses yeux regardaient et voyaient non des objets extérieurs, mais cet idéal le plus cher, l’objectif, la vocation que cette jeune fille merveilleuse devait réaliser. » Par la suite, il introduisit l’idée de méditation spirituelle dans sa Vision de l’adolescent Bartholomé et dans d’autres de ses oeuvres. Disciple des réalistes de l’école Moscovite, Nesterov incarne la réalité et le caractère naturel du miracle dans la vie du jeune garçon. Désirant théoriser ses convictions artistiques, il écrivit : « En orientant mes intentions artistiques vers les aspects les plus secrets de l’âme humaine et de la nature qui l’environnent, je préfère toujours les formes les plus naturelles, car elles sont plus convaincantes, même dans des tâches aussi fantastiques que la Vision de l’enfant Bartholomé. »

Notre petite icône sur bois transpose et interprète de manière touchante et spirituelle le chef d’oeuvre original conservé à la Galerie Trétiakov de Moscou. 

Icône de La Vision de l'enfant Bartholomé, Mikhail Nesterov in situ

Vendu

Icône Nesterov, arrière

Bibliographie

Tatiana L. Karpova, L’Art Russe dans la seconde moitié du XIXe siècle : en quête d’identité, catalogue d’exposition, musée d’Orsay, Editions Réunion des Musées Nationaux, 2005, 463 p.