Armand Rassenfosse
(Liège, 1862 – 1934)
Ma Fantaisie
Ex-libris de Maurice Baud’huin
1921
Pointe sèche, roulette
112 x 70 mm ; marges 185 x 135 mm
Oeuvre encadrée : 28 x 21 cm
Belle épreuve sur vergé, Rouir 1076
Inscrit à droite Ma Fantaisie, en bas Ex-libris Maurice Baud’huin, Monogramme encadré et daté 1921 à gauche
Cadre Art Nouveau belge en métal repoussé, à décors de fleurs de lys avec inclusion d’un cabochon bleu nuit
Né à Liège dans un vieux quartier commerçant de la vie, les parents du jeune Armand y tiennent un commerce d’objets d’arts. Son père, homme attentif, ajustait ses collections en fonction de sa clientèle. C’est donc au sein d’une atmosphère de négoce et de curiosités que se déroule l’enfance de l’artiste. Très vite, il se met à dessiner, par instinct, sans méthode ni direction, ce qu’il observe autour de lui. Les trésors accumulés dans la boutique paternelle sont à la source de son éducation artistique qu’il fera seul. Le monde des antiquaires, l’atmosphère des ventes publiques et de la brocante lui deviennent très tôt familiers. Il trouve au même moment, chez un bouquiniste, un vieux manuel de gravure et commence la pratique de l’estampe avec des outils rudimentaires : la pointe y est remplacée par un gros clou, et la presse improvisée par un rouleau de pâtisserie. Avec l’aide de l’ami Adrien de Witte, il se familiarise directement avec l’art de la pointe sèche, qui se révèle être la plus proche du dessin. Très tôt attiré par les arts graphiques, Rassenfosse oriente aussi sa curiosité vers les lettres qui affirment son style. Abonné à La Jeune Belgique, ses connaissances littéraires sont solides. Collectionnant les gravures de son ainé Félicien Rops qu’il admire, leur rencontre a lieu lors d’un voyage d’affaires à Paris en 1888. C’est un coup de foudre artistique et amical à l’origine d’expérimentations techniques communes, donnant naissance à un nouveau procédé de gravure : le vernis ropsenfosse. Rops l’introduit également au sein du foyer de renouveau intellectuel et artistique parisien où il rencontre écrivains, poètes, artistes romantiques, parnassiens et symbolistes qui lui permettent de prendre son plein envol artistique.
Depuis la première moitié du XIXe siècle, la mode de l’ex-libris s’est développée. En Belgique, celle-ci correspond à une renaissance de la littérature mais aussi à une évolution des techniques de reproduction moderne. L’ex-libris est devenu plus accessible à l’amateur, car moins onéreux. Ayant développé sa notoriété depuis sa participation au Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles, en 1896, amateurs et bibliophiles commandent à Rassenfosse des ex-libris. Celui-ci parvient, tout comme son père, à cerner la personnalité de chaque commanditaire. Limité par la place, Rassenfosse l’est aussi par les moyens : en quelques lignes, il doit exprimer une idée, évoquer une personnalité, créer un climat, souvent sous les traits de jeunes femmes nues parées d’attributs symboliques. Cette forme d’art réclame donc habileté, élégance et maîtrise du dessin. Rassenfosse l’a très bien compris et notre ex-libris en est une preuve manifeste. Sa production s’échelonnera tout au long de sa carrière et ne comportera pas moins de 102 modèles différents.
Notre ex-libris, destiné au collectionneur Maurice Baud’huin, représente une femme nue, debout sur des livres, tenant un long voile flottant. La belle forme, le rythme, l’équilibre des rapports, la grâce et l’harmonie sont autant de canons que la danse doit réunir. La tendance, amorcée par l’esthétique nouvelle des Ballets Russes qui privilégie le mouvement et la couleur, libère le corps féminin. La danse devient pour Rassenfosse un support à une étude poussée de l’équilibre à la limite de l’instabilité et lui permet de traiter deux sujets qu’il affectionne particulièrement : le mouvement et la femme. Vers 1920, dans l’œuvre peint, le corps désaxé de la danseuse bascule en arrière, tandis que les bras tendus sur le côté contrebalancent le mouvement de la jambe. Le voile diaphane où les rubans colorés participent au dynamisme de la composition, évoque le jeu scénique de la célèbre Isadora Duncan. Rassenfosse immobilise un instant son modèle pour saisir la pose qui lui parait la plus harmonieuse. Comme à son habitude, l’artiste traduit ce vaste thème aussi bien en dessin qu’en gravure et en peinture. (Ill.1)
Ill. 1. La danseuse aux rubans, huile sur carton, rehauts de crayon et gouache, 79 x 59 cm, 1921, collection Patrick Derom.
VENDU
Bibliographie
Nadine de Rassenfosse-Glissen, Rassenfosse : peintre, graveur, dessinateur et affichiste, Éditions du Perron, 1989.
Eugène Rouir, Armand Rassenfosse, Catalogue Raisonné de l’œuvre gravé, Éditions Van Loock, Bruxelles, 1984.