
Joseph RULOT
(Liège, 1853 – Herstal, 1919)
Les Béatitudes
Dessin préparatoire pour le projet de monument à César Franck
1894
Fusain
295 x 295 mm
Fervent wallon, artiste liégeois et sculpteur du sentiment, Joseph Rulot n’en reste pas moins peu connu en Belgique. Avec une production dont les grands projets n’ont jamais pu être aboutis ou ont été détruits, notre feuille constitue un précieux témoignage permettant d’approcher l’ambition créatrice de ce sculpteur atypique, entre Symbolisme et Idéalisme. Pour apporter au dessin une dimension intemporelle et onirique, l’artiste privilégie l’usage du fusain, médium susceptible de rendre un flou presque esquissé, entre ombre et lumière. Accentué par des lignes et des formes simples qui n’insistent pas sur le détail, ce modelé n’est pas sans rappeler le non finito de ses bozzetti. Rulot exprime dans ses oeuvres un rejet d’une réalité tangible laissant place à la dimension spirituelle de l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus essentielle.
Cette œuvre est le premier projet de monument confié à Rulot. Hommage au compositeur liégeois César Franck décédé quelques années auparavant qui avait acquis une grande renommée à Paris. L’œuvre souhaitée par le comité est une interprétation des Béatitudes, l’une des trois œuvres les plus importantes du compositeur. Cet oratorio pour orchestre, chœurs et solistes est inspiré d’un poème de Joséphine Colomb sur les huit béatitudes de l’évangile selon Matthieu. Ces huit parties comprennent : Bienheureux les pauvres d’esprit ; Bienheureux ceux qui sont doux ; Bienheureux ceux qui pleurent ; Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice ; Heureux les miséricordieux ; Bienheureux ceux qui ont le cœur pur ; Bienheureux les pacifiques et Bienheureux ceux qui souffrent de persécution pour la justice. Les rôles principaux sont attribués aux chœurs terrestres et célestes ainsi qu’au Christ. Si l’Humanité incarne les différentes formes du mal, le Christ, dégagé de son enveloppe charnelle, n’est plus accessible au malin, et garde son âme pure. Malgré sa condition divine, il se souvient des peines propres à la condition humaine, et adresse de douces paroles de consolations et d’encouragement aux mortels. À l’écoute de la musique de Franck, Rulot opte pour un monument symbolique plutôt que de suivre les conventions et de représenter un simple buste du compositeur accompagné d’une allégorie.

Joseph RULOT, Les Béatitudes, projet d’un monument à César Franck (1894-1895) plâtre, 67 x 23,5 x 37,5 cm. Signature en bas à gauche : J. Rulot. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Inv. 11465.
Reproduction de notre dessin dans l’ouvrage : DU JARDIN, Jules, « Les artistes contemporains » dans L’art flamand, Bruxelles, Arthur Boitte Éditeur, tome VI, 1896, p. 181-184.

Le monument se doit de transposer le génie musical du compositeur dont l’œuvre est empreinte d’une sensibilité mélancolique. Ce projet n’ayant pas été érigé, il n’en subsiste plus que quelques dessins ainsi qu’une maquette à échelle réduite. Plusieurs croquis nous permettent de suivre l’évolution du monument. La composition ne subit pas d’énormes changements, le sculpteur reste sur l’idée d’une masse énorme qui semble s’élever vers le ciel. Un groupe d’hommes et de femmes la compose. Notre dessin réalisé au fusain offre un aperçu de l’idée finale du sculpteur. Les personnages du bas adoptent des poses méditatives, agglutinés les uns contre les autres tandis que le groupe du haut s’élève dans les airs avec des poses aériennes. Un personnage se tient droit, le regard fixe, au sommet du monument. L’enchevêtrement des personnages laisse perplexe quant aux possibilités techniques de la sculpture finale, tant la partie supérieure ne semble dépendre que de quelques attaches. Rulot est ici voulu représenter chacune des huit béatitudes en mettant l’accent sur celles mentionnant des personnes en souffrance. Notre dessin est reproduit dans l’ouvrage de Jules De Jardin, intitulé L’art flamand – les artistes contemporains. Ce monument imposant et presque utopique est un aperçu de ce qui sera plus tard le Monument Defrêcheux et cette tendance qu’à Rulot de repousser les possibilités de la matière.
800 €
Bibliographie :
- Alicia VANDEVILLE Joseph Louis Rulot (1853-1919), sculpteur du sentiment – Mémoire de master présenté sous la direction de Julie Bawin Volume I, Université de Liège, Faculté de Philosophie et Lettres Département des sciences historiques Histoire de l’art et archéologie, 2019-2020.
