
Victor PROUVÉ
(Nancy, 1858 – Sétif, Algérie, 1943)
L’Ambroisie
Esquisse pour le plafond de la salle à manger de l’Hôtel de ville de Paris
entre 1891 et 1892
Plume et encre noire
300 x 235 mm
Cadre en bois doré
Artiste de la joie et des valeurs républicaines de son temps, rock star de l’Art Nouveau, Victor Prouvé s’est illustré par sa polyvalence technique virtuose et sa collaboration à l’École de Nancy. S’inspirant de la nature pour imaginer ses œuvres, ses créations s’ornent de motifs végétaux tels que les fleurs, les feuilles et les insectes. Les œuvres de Victor Prouvé sont caractérisées par des lignes courbes et dynamiques qui dégagent une sensation de mouvement et de fluidité. Utilisant des couleurs vives et contrastées, cette palette de couleurs audacieuses apporte une touche de modernité à son travail. Son univers original et élégant continue d’inspirer de nombreux décorateurs contemporains. L’artiste a lui-même bénéficié d’une solide formation artistique, d’abord à l’école municipale de dessin de Nancy, puis à l’École des Beaux-Arts de Paris où il fut l’élève d’Alexandre Cabanel.
La IIIe République fait appel à l’art pour diffuser ses idées et valeurs – le patriotisme, la prospérité retrouvée, l’histoire et sa devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité en convoquant une vaste politique de grands décors. Ainsi, les bâtiments publics, comme les mairies sont décorés par de vastes programmes iconographique à portée pédagogique. En choisissant des espaces à décorer parmi les plus symboliques de la vie civique républicaine : salle des mariages, salles des fêtes, escaliers y menant parfois, les thématiques se systématisent rapidement. L’on y retrouve l’exaltation de la famille et du travail, l’histoire et l’engagement envers la France Républicaine, et la célébration d‘une identité régionale à travers une activité industrielle territoriale. Les commissions façonnent peu à peu un mélange d’allégorie et de naturalisme, créant ainsi un nouvel évangile laïque. Pour ce faire, les pouvoirs publics instaurent dès 1878-79 des concours et des commandes afin d’enrôler les artistes français dans cette vaste ambition. Victor Prouvé, maître de l’Art Nouveau nancéien, va donc, à l’instar de ses contemporains, y participer. Ce mouvement lui apportera la reconnaissance de ses pairs et lui assurera des revenus fixes.
Bibliographie
Collectif, Blandine OTTER, Victor Prouvé, le Maître de l’Art Nouveau à Issy, Musée Français de la Carte à jouer, 2022

L’artiste reçoit d’excellents résultats au concours pour la salle à manger de l’hôtel de ville de Paris, dont témoigne notre esquisse L’Ambroisie, troisième panneau d’un triptyque bucolique se composant des Fruits et des Fleurs (Ill.1). Porteuse d’une poésie pleine de charme, les compositions arcadiennes réalisées par Prouvé reçoivent cependant une critique contrastée, oscillant entre le ravissement de la forme et l’immoralité du fond. « Jeunes gens et jeunes filles y verront une autorisation légale du flirt et les mères de famille un encouragement à saccager les arbres fruitiers » s’alarme Louis Flandrin dans le journal La Quinzaine de mai 1897. La corrélation symbolique entre le flirt et la cueillette renvoie pour le critique au péché fondateur d’Adam et d’Ève, là ou Prouvé invite à une interprétation différente, celui « du poème des amours conjugaux et des joies filiales. » Incroyablement vive et moderne, notre belle esquisse au tracé palpitant envoûte par sa vivacité, témoignant de la joyeuse virtuosité de son créateur.
Victor PROUVÉ L’Ambroisie. détail du panneau central, entre 1891 et 1892. Huile sur toile. Coll. Petit Palais de la ville de Paris (PPP4451)

750 €