YAN' DARGENT (1824-1899)
Le Poussin Romantique de BretagneDans les années 1870, au sein de la Cathédrale Saint Corentin située dans la charmante ville médiévale de Quimper, vingt fresques romantiques aux accents classico-symbolistes furent peintes par l’artiste breton Yan’ Dargent. Chrétien sincère et convaincu, l’homme à la physionomie gracile et aux yeux gris emplis d’une ardeur contenue, consacra dix années de sa vie à l’élaboration de ce chef d’oeuvre mural. Suscitant l’admiration de ses contemporains, dont l’écrivain Octave Mirbeau, il sera décoré de la Légion d’Honneur par le Président-Maréchal Mac-Mahon en 1877, six ans après avoir apposé la dernière touche de couleur à ce rayonnant poème spirituel. Cheminons aujourd’hui à sa rencontre !
C’est en 1870, à la demande de l’évêque Monseigeur Sergent que Yan Dargent se vit offrir la conception de vingt tableaux d’histoire sacrée. Cette nomination se révèle surprenannate de la part du commanditaire, car l’artiste est à l’époque plus connu pour ses talents d’illustrateur que pour ses qualités de peintre. Fin dessinateur, il réalisa plus d’une centaine de croquis préparatoires à la plume et encre brune afin de parvenir à l’élaboration de ce splendide ensemble décoratif. Il se déploie sur les murs des huit chapelles de la cathédrale, chacune donnant à voir l’histoire particulière d’un saint local ou biblique.
Un Ravissement Extatique
Bras extatiquement ouverts au centre de la composition, saint Corentin est revêtu de la soutane épiscopale. Sa tête renversée en direction des Cieux, il est soutenu avec douceur par quatre anges aux ailes majestueuses. Par analogie, les ailes de l’ange à la tunique turquoise semblent visuellement appartenir au saint, ainsi élevé grâce à l’abandon total à Dieu qu’il manifeste. Yan’ Dargent fait ici preuve d’une délicieuse maîtrise du coloris ; les gris bleus-argentés atmosphériques à la délicatesse évanescente se marient harmonieusement aux ors et rouges des deux figures centrales.
Ill. Détail. Yan’Dargent, Le Ravissement de Saint-Corentin, Chapelle Saint-Corentin, Cathédrale de Quimper, peinture murale à la cire et à l’huile sur enduit sec, 1871-1872.
Influences Classiques
La ressemblance de l’oeuvre de Yan’Dargent avec celle du peintre classique Nicolas Poussin est frappante. Les deux groupes d’anges aux drapés rose, jaune et bleu soulèvent réciproquement une figure sur un nuage : saint Corentin du côté breton, la Vierge du côté normand.
Les deux peintres adoptent égalemment un même raffinement chromatique et une même verticalité de composition. A l’instar du maître, Yan’Dargent représente la ville de Quimper au loin dans l’horizon bas et gris-bleuté du tableau, dont les tours de la cathédale se détachent du registre célèste sur un fond de collines rousses à peine perceptibles. Le développement dynamique en hauteur suivant le cadre architecural en ogive de la chapelle Saint-Corentin, les mouvements des bras et des ailes des anges couplés aux regards de tous les protagonistes tournés vers les Cieux, concourent à entraîner le fildèle vers un au-delà spirituel (Visible in situ).