LA PINACOTHEQUE BRERA

Eyes Wide Open

  Bienvenue à la Pinacothèque Brera ! Sols aux marbres luxieux & murs aux tonalités audacieuses viennent rythmer avec enchantement le parcours du visiteur. Du vert olivâtre au bleu électrique en passant par la pourpre chatoyante, chacune de ses salles sublime théâtralement les monumentaux chefs d’œuvres qui y sont exposés. Extase des yeux oblige, comme un vibrant hommage à la devise de l’institution. En guise de compensation ou afin de vous donner l’envie de vous y rendre un jour, voici quatre œuvres particulièrement touchantes et emblématiques du grand siècle Italien. 3, 2, 1…. Ouvrez les yeux !  

 
 

Ill. Gentile & Giovanni Bellini (Venise, XVème siècle), Prédication de saint Marc sur une place d’Alexandrie, 1504-1507, huile sur toile, 347 x 770 cm, Pinacoteca Brera. 

Fondée par Napoléon Bonaparte en 1776 et animée de l’esprit des Lumières, la pinacothèque milanaise surprend par le subtile raffinement des œuvres composant sa collection. La présence riche et prédominante de beaux maîtres du nord de l’Italie (Lombardie, Vénétie & Marches) offre un panorama particulièrement savoureux aux amateurs du Quattrocento et de la Renaissance. 

 

VENISE

Détail. Paolo Véronèse (Vérone, 1528 – Venise, 1588) Le Repas chez Simon , huile sur toile, 1570

Réalisée pour le couvent San Sebastiano de Venise, la toile est envoyée à Paris en guise de butin de guerre après la conquête par Napoléon de la Vénétie, avant de rejoindre son actuel écrin milanais. Outre son historique français, le tableau présente une forte parenté avec les louvresques Noces de Cana, peintes par l’artiste en 1563. Adoptant une même composition théâtrale, les personnages s’organisent en frise autour d’une table de banquet. La figure du Christ est cependant ici décentrée vers la gauche (détail). Devant lui Marie-Madeleine est somptueusement revêtue d’une robe rose aux lueurs d’argent grâcieusement rechauffée d’une tunique orange. A l’aide de ses longs cheveux blonds à demi retenus par deux tresses, elle sèche en enroullant sensuellement et amoureusement de ses mèches laissées libres les pieds du Christ, que ce dernier nous dévoile d’un geste de main, en relevant sa tunique. 

URBINO

Donato Bramante (Urbino, vers 1444 – Rome, 1514), Le Christ à la Colonne, 1478-90, huile sur panneau, 93,7 x 62,5 cm. 

Seule huile de l’artiste connue à ce jour, Bramante se forma à l’usage de la perspective mathématique transposée dans les arts à Urbino, excellent centre de formation artistique au XVème siècle. Il y apprendra notamment comment jouer avec la profondeur de l’espace peint afin de créer des effets visuels illusionnistes suscitant des émotions chez le spectateur. C’est lors de sa période milanaise, vers 1480, qu’il réalisa ce superbe Christ à la Colonne, fruit d’échanges artistiques avec Léonard,  tandis que celui-ci œuvrait au couvent Santa Maria delle Grazie à la conception de sa Cène. Ce Christ roux aux boucles serpentines et au musculeux corps marmoréen contraste avec la douloureuse expression de son visage aux sourcils froncés et aux yeux humides emplis d’inquiétude. Face à nous, entre espérance et désespoir, un Homme au visage séparé par l’ombre et la lumière doute, souffre, et s’offre par amour.

ANCÔNE

Carlo Crivelli (Venise, vers 1430 – Marches, vers 1495), Triptyque de Camerino/ San Domenico, détail du panneau de La Vierge à l’Enfant, 190,5 x 78 cm, 1482, détrempe et huile sur panneau. 
C’est probablement à la suite d’une déception amoureuse que le peintre vénitien vint s’installer dans les Marches, où il fonda l’un des ateliers le plus célèbre et raffiné de la Renaissance. Sa dextérité et sa fantaisie créatrice le poussent à réaliser en plus de ses peintures, des tissus, tapis et toutes sortes d’autres objets d’ameublement, à l’instar de l’artiste anglais préraphaélite William Morris trois siècles plus tard. L’on retrouve en effet immédiatement ce goût pour le luxe et l’ornementation dans sa peinture, dont les saints gracieux se drapent des plus belles étoffes imaginables. Magnifiquement qualifié de “matérialiste mystique” par Thomas Golsenne, l’artiste intègre au sein même de sa peinture des objets en relief, comme les clés et la crosse de saint Pierre ou certains bijoux travaillés à l’or. Ces éléments en 3D couplés au talent de son créateur confèrent à l’œuvre une quatrième dimension, ouvrant sur un espace quasi divin.

VICENCE

Détail, Bartolomeo Montagna, (Vicence 1450 – 1523), Vierge à l’Enfant trônante entourée de saint André, saint Ursule et Sigismond, huile sur panneau, 1499.

Plus important peintre religieux de Vicence à la fin du Quattrocento et au début de la Renaissance, les premières œuvres de Montagna, d’une grande qualité, se distinguent par un sentiment de monumentalité, par l’intégration des figures et du décor, et par l’ampleur et la luminosité du paysage. Son art devient plus dramatique, ses couleurs plus chaudes et plus fortes vers 1500. Si la douceur du modelé de ses figures et de ses paysages lumineux et atmosphériques sont empreints du style Bellinesque, c’est à Antonello da Messina (Messine, 1430-1479) qu’est due la sérieuse élégance de ses visages. Ce grâcieux ange musicien à l’expression profonde et teintée de mélancolie en constitue une très mélodieuse illustration. 

Avis aux gourmands ainsi qu’aux amateurs de fines bulles, à la fin de votre visite, n’hésitez pas à vous remettre de vos émois artistiques au ravissant café situé à l’étage du Palazzo !

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