MAURICE RÉALIER-DUMAS

Le Mucha Byzantin du Lot-et-Garonne

Se laissant volontiers admirer au cœur de la paisible & généreuse région agenaise,

Le Cloître de l’Art vous fait aujourd’hui découvrir les splendides toiles aux reflets chatoyants et aux accents préraphaélites de l’église romano-byzantine Sainte-Catherine dues au singulier artiste et affichiste art nouveau Maurice Réalier-Dumas. 

Souffle de douceur, de fraîcheur et d’onirisme, c’est à la demande de son ami Georges Leygues, alors Maire de Villeneuve-sur-Lot, que Maurice Réalier-Dumas (1860 – 1928) réalise depuis son atelier de Chatou entre 1911 et 1920, six toiles marouflées in situ pour cette nouvelle église bâtie en briques toulousaines au XXème siècle refondée sur une ancienne église gothique du XVe siècle.

Immergeant son visiteur au sein d’une réalité autre, certes intangible, mais non moins perceptible, ce bel ensemble saint aurait pu être qualifié sous la plume ardente de Théophile Gautier de « Panathénées chrétiennes »,
à l’instar de la frise parisienne peinte par Hippolyte Flandin en l’église Saint-Vincent-de-Paul, dont elle s’inspire.
De part et d’autre de la nef principale, cette chatoyante procession aux couleurs vives et audacieuses fait évoluer non moins de soixante-dix saints plus grands que nature, paisiblement en chemin vers l’abside où culmine un splendide Christ, en mandorle, peint par l’artiste Antoine Barlangue (1874-1956).

Iconographie

L’iconographie des frises de la nef trouve en effet son origine dans La Litanie des Saints. Chaque figure peut être identifiée de par ses attributs, mais également grâce à son prénom et statut ecclésial indiqués par l’artiste en haut de la frise. La double procession illustre les grands saints de l’Église universelle, martyrs et fondateurs d’ordres, les protecteurs de la France tels Martin, Louis, Geneviève, Jeanne d’Arc, accompagnée de ses lieutenants gascons La Hire et Jean-Poton de Xaintrailles, ceux de l’Alsace récemment reconquise, suivis de la petite troupe des patrons de l’Agenais.

Ces beaux compagnons d’un passé proche nous poussent en effet à croire, à espérer et à aimer tout en nous ouvrant le chemin du ciel par celui du cœur, livrés à la délicieuse contemplation de la beauté, de la féminité, de la grâce, douceur des formes offerte par la virtuosité du pinceau de l’artiste.

 

Force intérieure du Palmier

Les figures, isolées en niches par de luxuriants palmiers sont un motif récurant dans l’iconographie des premiers chrétiens. Dressé vers le ciel, nourris par une source intérieure, s’adaptant aux contextes même défavorables pour le bien de tous, c’est grâce à ses nombreuses racines groupées en rinceaux que le palmier puise l’eau de sa sève, tout en profondeur, à l’intérieur de lui-même. Aussi est-il à l’image de l’homme juste qui, à la recherche du Bien, livre d’âpres combats intérieurs dans la profondeur de son cœur, d’où il puise sa force afin de rester droit dans le monde auquel il appartient.

Apôtres, saints et saintes, vierges, docteurs de l’église, évêques et martyrs se font lumières en marche vers l’Amour.

Scintillements Byzantins & nuances violines

Sur un fond aux tonalités à la fois mattes et lumineuses, l’or vient y définir l’espace divin et surnaturel qui nimbe chaque figure d’une dimension céleste et atemporelle.
Ce décor peint épouse harmonieusement le byzantinisme de l’architecture, de par sa composition générale (motifs, couleurs et hiératisme des figures) qui évoque en tout point les mosaïques Ravénienne de Saint-Apollinaire-le-Neuf. 
Asssocié symboliquement au mystère, à la magie, à la piété et à la royauté, le violet est ici employé à de nombreuses reprises par l’artiste dont il drape élégamment ses saints et ses saintes. Lorsque celui-ci est associé au rose, comme ici pour la figure de Sainte Elisabeth de Hongrie déversant son panier de roses, peut devenir symbole de féminité et de séduction.

Esthétique Art Nouveau

La douceur poétique des modelés féminins vient rompre la rigueur quelque peu monotone de la composition générale et n’est ainsi pas sans rappeler les gracieuses créatures féminines de l’Art Nouveau qu’Alfons Mucha immortalisa. Maurice Réalier-Dumas évolue en effet au sein de l’effervescent milieu parisien des années 1900 et se fait l’illustrateur de diverses affiches publicitaires où la femme, représentée à travers les canons de beauté de l’Antiquité et de l’Art Nouveau, s’en trouve magnifiée.
Réalier-Dumas parvient ici à concilier, unir et enrichir avec talent et délicatesse univers profane et religieux. 
Laurent Dandrieu, dans son magnifique essai intitulé Peintres de l’invisible, traite de l’enjeu, pour un artiste, de parvenir à évoquer l’absolu divin en harmonie avec son temps : « Pour lui, rendre gloire à la nature spirituelle du monde ne signifie pas tourner le dos au temporel, mais au contraire le magnifier et lui donner comme une couleur d’éternité. Dans la peinture comme en théologie, la grâce ne détruit pas la nature, elle la couronne. ».

La mission de l’artiste serait ainsi « De brouiller la frontière entre le monde matériel et le monde spirituel : parce que cette frontière, en réalité, n’est qu’apparente, illusoire ; et que l’éternité est déjà là, parmi nous, en nous. »

 

 

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Ill. L’artiste dans son atelier de Chatou, perché sur un siège, appliqué à la réalisation des frises monumentales.