PAVEL RIJENKO

Ours d'Absolu & de Foi

Dernier génie de l’école de peinture figurative et historiciste, Pavel Rijenko naît en 1970 dans un petit village de la région de Kalouga, en russie. Engagé dans l’armée avant d’intergrer l’Académie moscovite de Peinture et d’Architecture en 1990, il est le digne héritier du flamboyant et sulfureux Ilia Glazounov.

Proche de l’esthétique impressionniste et historiciste des Ambulants, groupe de peintres académiques, qui, succédant au style néoclassique Pétersbourgeois, fondèrent en 1870 une « Société d’Expositions Ambulantes », Pavel Rijenko imposa très tôt un style et une verve sans compromission : « J’espère que mes peintures constitueront une impulsion pour chacun à cheminer dans le labyrinthe de ses pensées. Et que ce labyrinthe soit celui du chemin vers la Vérité et du Bien » . Пойдем! En avant! Laissez-vous tourmenter par ce somptueux opéra pouchkinien d’art & de foi.

Ayant renouvelé le visage de la peinture russe au tournant du siècle par une modernisation stylistique inspirée de l’athmosphérisme impressionniste, les peintres Ambulants parvinrent à y insufler magnifiquement toute la profondeur existentielle et tourmentée de l’âme russe. La peinture de Pavel Rijenko s’inscrit dans la lignée de ce courant symbolico-réaliste dont la vocation contrastée était de dépeindre à la fois la dure vie quotidienne du peuple russe et celle, raffinée, de sa bourgeoisie sur fond de paysages mystiques et de folklore national. Si en dépit de sa dimension spirituelle et humaniste, ce beau programme artistique et idéologique n’est pas parvenu à éviter la politique utopique et sanglante du vingtième siècle, renaîtrait-elle de ces cendres aujourd’hui afin de combattre le nihilisme dans lequel agonise notre temps?

Témoignage culturel

Touche généreuse dont les figures se dotent néanmoins d’un intense cerne charbonneux, le style pictural de Rijenko offre un regard historique sur son pays, afin de rappeler qu’en réalité, l’humanité n’est pas qu’une masse matérielle uniforme et sans frontière, dont l’ambition ou la nécessité abolirait toute importance spirituelle et singularité culturelle ancestrale. De fait, sans pour autant y être prédéterminé ou réduit, chaque individu est le fruit d’un héritage, familial et historique, constitutif d’une part importante de son âme. Offrant une alternative à l’oubli contemporain, l’artiste fait revivre magistralement des figures emblématiques de l’histoire russe, à l’instar de ce savoureux portrait de Maliouta Skouratov, grand chef de l’Opritchina, garde militaire sanglante d’Ivan le Terrible, coiffé d’une chapka d’astrakan et d’un col de perles brodées typique des costumes slaves. 

Ill. Détail. Pavel Rijenko, L’Oukaz du Tsar, Portrait de Maliouta Skouratov (1541-1573), huile sur toile, 2010.

Humanité Dostoïevskienne

Assis à terre sous de petits flocons de neige, ce pope pensif au cou duquel pend une lourde croix métalique semble être tout droit issu d’un roman du grand Dostoïevski. Son regard mélancolique ainsi que son attitude humble illustre bien les profondes ressources spirituelles de la Russie, dont la foi mystique est irriguée par la conscience aiguë de la misère et la faiblesse humaine. Perpétuellement incomprise, critiquée et marginalisée, c’est par là même qu’elle serait appelée à racheter spirituellement le monde, à l’image du Christ. Car si les hommes totalement purs et cristallins n’existent pas, Pavel Rijenko souligne qu’il ne faut pas pour autant nier le Bien et le Mal. Certes, l’humanité ne parviendra jamais à une seule et même définition du péché et de la vertu, mais le monde européen devient de plus en plus effrayant à cause de sa soumission progressive à la tyrannie du relativisme et du subjectivisme qui transforme le sel de la terre en sableEn effet, aussi libres de commettre le Mal que nous soyons, à quoi bon le justifier de mille et une façons, si ce n’est pour y perdre âme et coeur, c’est à dire en somme tuer la part divinement humaine présente en chacun de nous?  

Ill. Détail. Pavel Rijenko, Le Parapluie, huile sur toile, Moscou, Collection particulière.

L'Art, Intrument de Salut

Dans la lignée de l’immuable tradition artistique orthodoxe, sa prière se fait peinture, mission, message divin à délivrer. Sa création ne pourrait être pleinement accomplie sans cette tension christique dont l’artiste se confie être animé. C’est en effet cette dernière qui lui permet de sublimer et transfigurer ses tourments humains : « Chaque homme, et en particulier l’homme russe, recherche au plus profond de son cœur la Lumière de Vérité, qui n’est autre que celle du Christ. Je suis devenu croyant tardivement, mais depuis, je cours de toutes mes forces jusqu’à Lui, afin de me rapprocher le plus possible de sa Lumière.  Il m’est difficile de décrire cette sensation, je n’ai pas de mots pour décrire clairement ma pensée … alors je la peins.” En contemplant son travail, nous prions aussi à la suite de l’artiste. 

50 nuances d'espérance

Pavel Rijenko tire sa force, sa clairvoyance et son courage dans la direction de sa propre conscience à travers la contemplation de figures historiques courageuses et incarnées. De cette très belle toile représentant un moine orthodoxe contemplant d’un regard doux les bourgeons roses du printemps symbolisant la renaissance, un cierge à la main témoignage de son espérance, il s’adresse ainsi au spectateur comme pour lui murmurer de son pinceau : Alléluia! Ne te décourage pas ! Je suis tout comme toi un être humain, alourdi par ses souffrances et empli de doutes, mais c’est précisément là le début d’une vraie joie si tu parviens à tourner ton regard humilié vers de saints et bouleversants témoignages tel Séraphin de Sarov qui interpellait chaque homme rencontré sur son chemin de ce magnfique salut : Christ est Réssuscité ! 
Ill. Détail. Pavel Rijenko, Pâques, huile sur toile, 2012? Moscou, Collection particulière.
En 2007, l’artiste reçoit une commande monumentale de l’Évêque Léon-Zosime. Sollicité pour la décoration de la basilique sibérienne de Iakoutsk, cette opportunité lui donne la possibilité d’illustrer, grandeur nature, ses sentiments divins. Sur les murs peints de sa main résonnent les cors du Jugement Dernier, brandits par des archanges au regard grave et sévère se détachant sur les cieux rosés aux tonalités pétersbourgeoises. De part et d’autre, tsars et tsarines, figures historiques, hommes et femmes du peuple s’entremêlent, tous nimbés d’une lumière surnaturelle. Au centre, monumentale et réaliste, est représentée une scène de psychostasie aux accents médiévaux où le peintre s’est représenté en costume défait derrière l’archange saint Michel, regard fixé vers la balance eschatologique.
Ill. Détail. Pavel Rijenko. Le Jugement Dernier, fresque murale, 2007, Basilique de Yakoutsk, Sibérie.